Alors que nous nous glissons doucement dans les températures hivernales et que les recettes à base de fromage règnent en maitres dans nos cuisines, trois filières fromagères de Savoie bien connues (Raclette, Emmental, Tomme), regroupées sous une seule entité, l’Organisme de défense et gestion (ODG) Savoicime, espèrent passer de l’appellation IGP (Indication Géographique Protégée) à celle d’AOP (Appellation d’Origine Protégée). Une démarche qui vise à améliorer la notoriété et la qualité de ces fromages par rapport à l’actuelle IGP.
L’occasion de revenir sur les principales différences entre ces deux signes officiels d’origine, et les enjeux pour les nombreux producteurs.
La raclette, l’emmental et la tomme de Savoie sont trois fromages qui bénéficient actuellement d’une Indication Géographique Protégée (IGP). Le label IGP repose sur la notion de savoir-faire. Cette Indication est attribuée à un produit dont au moins une étape de production est réalisée dans une zone géographique déterminé.
Pour bénéficier d’une Appellation d’Origine Protégée (AOP), toutes les étapes de fabrication du produit doivent être réalisées selon un savoir-faire reconnu et dans une même zone géographique. La fabrication doit respecter un cahier des charges particulier, contrôlé avec attention par des organismes indépendants.
Pour passer de l’IGP à l’AOP, les exigences sont donc beaucoup plus lourdes.
L’AOP est donc un signe de qualité mieux reconnu et mieux considéré. Décrocher le label AOP permettrait ainsi un meilleur référencement auprès des distributeurs, gage de garantie pour le consommateur, et une nouvelle reconnaissance face à la concurrence.
De nouvelles réglementations ont ainsi été proposées par l’ODG Savoicime, tant du côté de la production de lait (établissant les races de vaches, leur bien-être, les spécificités du lait cru ou la qualité des fourrages) et jusqu’aux orientations concernant la transformation et l’affinage.
En plus de garantir la qualité et l’origine d’un produit, les AOP ou IGP enregistrées sont protégées contre toute usurpation, imitation ou évocation, et ce même dans l’éventualité où l’origine véritable du produit ou du service est indiquée.
C’est ainsi que le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC) a formé un recours devant le tribunal de commerce de Barcelone, pour obtenir la cessation de l’utilisation du signe « Champanillo » par un bar à tapas espagnol, estimant que cet usage portait atteinte à l’AOP Champagne.
Ou encore, que l’INAO et le Syndicat général des vignerons réunis des côtes du Rhône ont obtenu l’annulation des marques françaises NEWRHONE et , constituées du terme dominant RHONE, et portant ainsi atteinte à aux AOP Côtes du Rhône et Côtes du Rhône villages (Décision de la Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 26 mai 2023, 21/09232 (M20230066)).
La demande de reconnaissance en Appellation d’origine contrôlée (AOP) a été déposée auprès de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) par l’ODG Savoicime en novembre 2023. Le nouveau cahier des charges doit passer en commission devant l’INAO pour être homologué au niveau national. Il pourra ensuite être examiné au niveau européen pour l’enregistrement en AOP. Les 3 fromages savoyards devront donc patienter encore quelques années avant d’obtenir le précieux label AOP.
– Anaïs GREFFOZ, juriste en propriété intellectuelle chez Mark & Law