L’adoption d’une couleur comme indicateur de source devient de plus en plus évident pour les entreprises, en particulier dans le secteur de la mode et du luxe où la couleur contribue généralement au succès d’une marque, symbolique de prestige.
Celles-ci jouent en effet un rôle essentiel dans l’identité des entreprises, puisqu’elles ont un impact durable sur les consommateurs qui vont spontanément associer certaines couleurs à une société particulière.
Les entreprises Tiffany & Co, Hermès, Christian Louboutin ou encore Milka sont ainsi de bons exemples puisqu’elles sont très largement reconnues par le public par leurs couleurs emblématiques, et sur lesquelles elles disposent d’un droit à titre de marque.
Il en va de mêmes des combinaisons de couleurs qui sont également fréquemment utilisées, notamment par Gucci et son rouge et vert ou encore Ikea et son bleu et jaune.
Les récents efforts de Bottega Veneta (avec son « vert Kelly ») et de Valentino (qui a créé sa couleur « Pink PP » en partenariat avec le Pantone Color Institute), ont remis les marques de couleur sur le devant de la scène.
Si, en France le Code de la propriété intellectuelle n’exclue pas les marques constituées de couleurs, il n’en demeure pas moins qu’en pratique, ces marques sont rarement acceptées par l’Office français (et plus largement l’Office de l’Union européenne).
Pour constituer une marque, le signe doit être distinctif, c’est-à-dire permettre à un consommateur d’identifier l’origine commerciale des produits ou services par rapport aux produits concurrents.
Si une couleur peut être le signe distinctif d’une société, et donc être déposée à titre de marque, elle fait face à la réticence des tribunaux français et ceux de l’Union européenne qui ont mis en place des conditions plus strictes pour que les couleurs puissent être déposées à titre de marques.
Les Offices considèrent à cet égard qu’il existe un nombre réduit de couleurs disponibles, et permettre à une seule entreprise de bénéficier d’un monopole sur une couleur créerait un avantage concurrentiel illégitime en faveur d’un seul opérateur économique.
Et d’autre part, que le consommateur n’est pas en mesure d’identifier l’origine et la provenance des produits et services par la simple contemplation d’une couleur, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, parce qu’une couleur en elle-même n’est pas, dans les usages commerciaux actuels, en principe, utilisée comme moyen d’identification.
En conséquence, pour que le caractère distinctif d’une couleur (ou d’une combinaison de couleurs) soit reconnu, il faudrait que l’usage de celle-ci soit absolument inhabituel ou frappant par rapport aux usages du marché.
Ou bien que le Déposant soit en mesure de démontrer que le signe a acquis un caractère distinctif par l’usage et donc, que la couleur/la combinaison de couleurs est maintenant immédiatement associée par le consommateur aux produits et services proposés par la marque en question.
Veuve Clicquot a notamment réussi à faire enregistrer son orange brut en raison des parts de marché dans les États membres et par les publicités et articles de presse qui font expressément référence à cette couleur pour parler du champagne.
Ou encore la marque suisse de produits au chocolat Milka et sa célèbre couleur lilas, qui fait aujourd’hui l’objet d’une marque de l’Union européenne grâce à cet octroi.
Ainsi, qu’il s’agisse de rivaliser et d’attirer l’attention des consommateurs sur un marché où les marques sont omniprésentes, les marques de couleur constituent un actif précieux de votre portefeuille de marques.
Si Louboutin avait uniquement protégé son nom de marque (alors même que personne ne regarde sur la chaussure ce qui est écrit), et non la couleur rouge de sa semelle, il ne détiendrait pas de monopole sur ce qui constitue la véritable valeur ajoutée et signe reconnaissable à protéger.
– Anaïs GREFFOZ, juriste spécialisée en droit de la propriété intellectuelle chez Mark & Law